L’Ethiopie, cette terre aux trésors archéologiques inestimables et à une histoire aussi riche que complexe, a connu des moments charnières qui ont façonné son destin. Parmi ceux-ci, le sac de Gondar en 1888 par l’empereur Menelik II se distingue comme un tournant décisif, marquant la fin d’une dynastie qui avait régné pendant des siècles sur ce puissant royaume africain.
Pour comprendre cette tragédie, il est nécessaire de plonger dans le contexte politique chaotique de l’Ethiopie du XIXe siècle. Gondar, ancienne capitale impériale, était alors gouvernée par une lignée de rois descendante du roi Salomon et de la reine de Saba. La dynastie des Zagwés avait connu son apogée au XIIIe siècle mais luttait désormais contre les ambitions d’autres chefs locaux ainsi que l’influence grandissante de Menelik II, un jeune et ambitieux empereur qui gouvernait le sud-est du pays depuis la région de Shoa.
L’événement déclencheur du sac de Gondar fut une guerre entre Menelik II et le roi Tekle Giorgis II, le dernier représentant de la dynastie des Zagwés. Le conflit opposait deux visions de l’avenir de l’Ethiopie: celle d’un empire centralisé dirigé par Menelik II, aspirant à unir les peuples éthiopiens sous un seul étendard, et celle d’une fédération plus décentralisée incarnée par Tekle Giorgis II.
Après plusieurs affrontements sanglants, Menelik II lança une attaque fulgurante sur Gondar en 1888. La ville fut prise rapidement après que les troupes de Menelik II aient brisé les défenses du roi. Le palais royal, symbole du pouvoir impérial et témoin de siècles d’histoire, fut pillé et incendié. Tekle Giorgis II se réfugia dans les montagnes environnantes avant d’être capturé et emprisonné par Menelik II.
Le sac de Gondar marqua la fin définitive de la dynastie des Zagwés. L’événement eut également des conséquences profondes sur l’Ethiopie entière:
- Centralisation du pouvoir: La victoire de Menelik II consolida son autorité sur l’empire et ouvrit la voie à une ère de centralisation. Les pouvoirs régionaux furent progressivement réduits, permettant à Menelik II de renforcer l’unité nationale.
- Modernisation de l’armée: Le conflit avec Gondar révéla la nécessité d’une armée moderne et efficace. Menelik II lança un programme de modernisation en s’inspirant des techniques militaires européennes, ce qui contribua plus tard à préserver l’indépendance de l’Ethiopie face aux forces coloniales italiennes.
- Développement économique: La victoire sur Gondar libéra des ressources et permit à Menelik II d’entreprendre des projets importants de développement économique, notamment la construction de routes et de chemins de fer pour stimuler le commerce et connecter les différentes régions de l’empire.
Le sac de Gondar reste un sujet complexe qui suscite encore aujourd’hui débat parmi les historiens éthiopiens. Si certains le considèrent comme une étape nécessaire dans le processus d’unification nationale, d’autres dénoncent la violence inutile qui a été employée et l’impact négatif sur le patrimoine culturel de Gondar.
Il est important de noter que la version officielle du sac de Gondar, souvent promue par les partisans de Menelik II, tend à minimiser la violence de l’événement et à présenter la victoire de Menelik II comme une libération nécessaire du pouvoir despotique des rois Zagwés.
Cependant, d’autres sources historiques suggèrent que le sac de Gondar fut marqué par des pillages indiscriminés, des meurtres massifs et la destruction systématique du patrimoine culturel de Gondar. Des témoignages de survivants relatent également la terreur qui régnait dans les rues de la ville pendant l’invasion de Menelik II.
L’étude du sac de Gondar nous rappelle que même les événements historiques importants peuvent être interprétés différemment selon le point de vue adopté. Il est essentiel d’examiner toutes les sources disponibles, d’analyser les motivations des acteurs en jeu et de prendre en compte les conséquences à court terme et à long terme pour comprendre la complexité du passé.
Le sac de Gondar reste un épisode sombre de l’histoire éthiopienne. Il souligne également la difficulté de concilier les ambitions politiques avec le respect du patrimoine culturel et des vies humaines.
L’héritage de Menelik II est complexe : il a contribué à unir l’Ethiopie, mais son règne a été marqué par des conflits violents et une forte centralisation du pouvoir.
La mémoire du sac de Gondar continue d’alimenter les discussions en Ethiopie. L’événement rappelle la nécessité d’un débat honnête sur le passé pour comprendre le présent et construire un avenir plus juste et inclusif pour tous les Éthiopiens.